On grandit souvent avec en tête des séries de rêves que l’on croit être les nôtres alors qu’ils viennent en réalité de toutes-parts sauf de nous-même. Ce sont des rêves préfabriqués. Et lorsque nous vivons mal l’accomplissement de ces rêves préfabriqués (ce qui est logiques…), nous essayons alors de construire de nouveaux rêves mieux adaptés à notre personnalité. Mais nous ne sommes pas nécessairement libérés pour autant. Au contraire, nous pouvons être déstabilisés, perdus dans le décalage entre toutes aspirations contraires qui nous traversent…
Pour moi je crois bien que la rupture entre rêves préfabriqués et véritables aspirations propres a commencé à partir de l’année 2013. Comme cette année là m’a marqué j’ai entrepris d’écrire au présent pour à la fois conjurer et accepter le sort. Voici donc ce que j’ai écrit à la toute petite sœur de 2013, l’année 2018 au moment où les douze coups de minuit ont commencé à résonner lundi dernier.
1er janvier 2018 au matin dans ma bonne vieille robe de maison. Il y a des matins agréables à vivre…
Te voici enfin 2018
« Te voici enfin 2018… Je dois avouer que je t’attendais de pied ferme. J’avais bien hâte que tu viennes me montrer quelle est cette fameuse suite que toi et tes petites sœurs me réservent. Je n’ai pas de nouvelles résolutions pour toi, mais j’ai fait le bilan. Pas seulement le bilan de ta grande sœur 2017, mais le bilan des années passées. Depuis 2013, cette fameuse année où j’ai quitté mon « magnifique » appartement berlinois pour rentrer en Guyane. Bien sûr, il n’y a pas que ça. J’ai aussi quitté plein d’autres choses et plein d’autres symboles… Mais j’ai surtout quitté une partie de moi-même.
Le retour plein de rêves préfabriqués
À l’époque, quand je rentrais en Guyane, je croyais vraiment que c’était pour rentrer et rester y vivre définitivement. Avec dans la tête, le tableau ou série de rêves préfabriqués suivant : Elodie vivant à 30 ans à peine dans une jolie petite maison dont elle aurait été propriétaire. Cette maison aurait été située pas trop loin de la speudo ville cayennaise, mais avec suffisamment de distance pour avoir beaucoup de forêt tout autour. Et puis, elle aurait eu un travail très stable, un peu trop même. Elle en râlerait pour donner du sens à son existence. Un ou deux enfants (peut-être 3, 4), un mari volage (typique des rêves préfabriqués : on ne croit même pas à d’autres issues possibles… #wtf), une voiture, un canot, et pas de chien…
Mais voilà, cette année là, en 2013, c’était aussi l’année où j’ai approfondi la culture étrange et malsaine de la peur de l’échec, du regret et de l’apitoiement sur mon « pauvre et malheureux sort ». Tu vois le genre ? Et si j’ai toujours douté de moi, je crois bien que c’est vers cette année là que le doute a fait un grand écart entre qui je suis et mes aspirations. Me laissant croire que je n’étais pas capable de les accomplir. Qu’il s’agisse de mes propres aspirations, ou de celles venant de ces rêves préfabriqués. Je n’avais pas du tout confiance en moi. Je pleurais souvent. Beaucoup à cause des garçons… Je pleurais à cause du travail aussi. Enfin à cause de la vilaine collègue au travail, qui d’ailleurs devait peut-être être aussi en pleine crise… en fait ????. En somme, j’étais Magdalena.
5 ans plus tard
Aujourd’hui cinq ans plus tard : où j’en suis ? J’en suis à savoir que si en 2013 je croyais que j’en chiais, j’en ai encore plus chié après (pardon la vulgarité). Par exemple deux ans plus tard : pas de boulot, donc pas de collègue relou (c’est qu’on les aime en fait), pas d’appart, pas d’argent, vraiment pas d’argent. L’estime de soi : zéro. Les mecs : n’en parlons pas, désistons, renonçons ! Malheur ! LOL.
LOL, parce que je rigole en fait. Je t’écris et je rigole à gorge déployée seule dans mon salon. Oui je ris, parce que c’est drôle de voir comment je dépeins de manière très dramatique mon désarroi de ces années passées. Et aussi parce qu’en réalité, ce désarroi était loin d’être aussi dramatique. Il a eu de bons moments. Et avec le recul, je réalise que certains mauvais moments étaient de bons moments. Mais surtout c’est à partir de cette année là et de ces années là, que j’ai commencé sans m’en rendre compte à construire les bases de ce modèle qui ne correspond pas du tout aux rêves préfabriqués que j’avais, mais plutôt à mes vraies aspirations. Les miennes.
En somme, un modèle de vie « designée » par et pour moi. Sauf que je ne m’en rendais vraiment pas compte. Je ne comprenais pas ma constante insatisfaction et surtout pourquoi je n’allais pas bien alors que j’avais au moins un boulot stable dans le secteur d’activité dont « je rêvais » qui me prédisposait déjà à la réalisation d’une grande partie de ces rêves préfabriqués. Et pourquoi j’étais si vilaine avec ma collègue. Oui parce que au final on était toutes les deux vilaines…
Ma vie « désignée »… ou #mividaperfecta ? 😉
L’agence
Donc, pour cette vie « designée » par moi et pour moi, j’ai créé Focus l’agence de communication. Car l’objectif était d’avoir autant que possible l’impression de maîtriser les rênes de mon quotidien. Aujourd’hui, mon temps doit être appliqué à faire le plus possible des choses qui ont du sens. Et non pas exécuter machinalement pour les désidératas d’autrui ou d’autres systèmes politico-administratifs attardés. Faire aussi ce que je sais faire de mieux avec détail et application. Laisser s’exprimer mon perfectionnisme. Non pas parce que je pense que la perfection existe mais parce que je n’arrive pas à vivre autrement qu’en recherchant cette perfection. Quand je pars du principe que ce n’est pas possible, que je ne dois pas me forcer et que je dois faire les choses plus « basique-ment »… Eh bien, je deviens malheureuse. C’est terriblement vrai.
Rien n’est jamais impossible
Oui rien. Parce que dans cette vie là, j’ai arrêté de me fixer des limites. Plus de limite. Ni intellectuelles, ni physiques. J’accepte désormais d’apprendre et surtout j’accepte que l’apprentissage se fasse parfois dans la douleur. Les cours de violon sont douloureux pour mes oreilles, je te l’assure. Et sur le moment mon estime de moi l’est aussi. Mais dans cette vie il faut supporter de mal jouer pour apprendre à jouer c’est comme ça. Je fais du yoga et je rêve de pouvoir tenir sur les mains. J’y suis très loin. C’est comme ça. Je danse. Comme j’ai toujours dansé en réalité. Plus professionnellement mais c’est aussi comme ça. Alors ça peut paraître confus. Ou j’ai peut-être l’air de faire trop de choses à la fois mais… j’ai déjà essayé de vivre autrement et ça n’a pas marché pour autant.
Amour avec un petit et un grand « A »
Dans cette vie là, j’ai appris à aimer. Aimer sans rien attendre en retour. Attention, ca va plus loin que le bon vieux refrain de Florent Pagny… En fait, maintenant j’aime sans rien attendre en retour parce que je ne sais même pas quoi attendre en retour… Tout ce que je désire pour moi, je me le donne. J’ai appris que l’essentiel ne pouvait venir que de moi. Evidemment, ça ne m’empêche pas de jouir de l’amour que les autres me procurent. Sache si je n’en dépends pas, je n’y accorde pas moins d’importance.
Et du coup je prends plaisir à aimer intensément. De manière complètement relax, contrairement à avant quand je me sentais coupable d’aimer autant sans rien avoir en retour. Parce que désormais je sais que je ne peux pas faire autrement et je suis donc sereine avec cette façon d’aimer qui est la mienne. Et puis, qu’est-ce que je pourrais attendre en retour après tout ? Bien sûr, ça veut dire aussi que je n’accepte pas tout parce que je m’aime et parce que j’aime, je refuse qu’on fasse n’importe quoi avec moi…
Une vie bien remplie et complètement mienne
Aujourd’hui, j’en suis à apprécier mes journées bien remplies. J’en râle parfois, et même souvent c’est vrai. Mais je suis occupée. Que serais-je si je n’avais pas d’occupations ? Et surtout… Est-ce que cette version de moi serait-elle même possible ? Je ne crois pas. Aussi longtemps que je m’en souvienne ado mes vacances scolaires étaient « organisées » à la minute près : étude de ça, puis étude de ça, cuisine, quelques heures de jeux vidéos, moments promenades et discussions longues avec mon cousin pour construire le modèle de famille parfaite…(bons… chacun ses préoccupations #revesprefabriques). Mais il y avait peu de place pour le vide.
En fait, il s’avère qu’après tout, après toutes ces années qui étaient pour moi difficiles, je suis finalement restée la même. J’ai changé le disque dur par hasard et par évidence ; ça a tout brouillé… Mais maintenant, je suis plus en acceptation de ce qui s’est produit. Et je réalise que changer de disque dur, reconnaître et accepter mes vraies aspirations, m’a permis d’accepter cette nouvelle vie qui est la mienne. Et par ricochet, d’accepter celle que je suis vraiment.
Alors je t’attendais de pied ferme
C’est donc pour ça, que je t’attendais 2018, et de pied ferme ! Car même si l’argent me fait encore souvent défaut, même si je croule sous le boulot et que je doute souvent de ma capacité à y arriver, même si je suis toujours aussi célibataire qu’avant, même si parfois je pleure sans raison juste parce que j’ai mes règles, même si j’ai toujours aussi peur de l’échec, même si tout ça… J’apprécie d’être complètement et de plus en plus moi-même. J’apprécie d’avoir réussi à renoncer à ces rêves préfabriqués pour construire de nouveaux rêves basés sur une vie designée pour moi. Et j’apprécie de vivre en conscience de cela. Alors j’ai hâte de continuer à voir ce que ça donnera. Alors 2018, je t’accueille et te serre fort contre moi. Sache que je t’aime, tout comme j’aime toutes les années qui t’ont précédées. Même 2013… »
Voici mes mots pour 2018… Et vous quels sont les vôtres ? Quel est votre bilan ? Quelles sont vos aspirations réelles ? Je profite pour vous souhaiter une bonne et belle année 2018. Meilleurs voeux !